La psychanalyse quand ça va très mal

Aujourd'hui, la psychanalyse est partout :
À la télévision, à la radio, dans la presse...

Qui peut se targuer de n'avoir jamais entendu parler du complexe d'Œdipe ?
Personne – ou presque (quant à pouvoir dire exactement ce que c'est...). Pourtant, la thérapie analytique continue de susciter une foule de croyances. Et d'idées reçues. Or, ces préjugés, issus de l'ignorance, risquent de dissuader certains. Avec l'aide de Bernard Duperier, psychanalyste, essayons de trier.

Ceux qui s'adressent à un analyste sont mus par l'envie de comprendre ce qui leur arrive. Et pourquoi ils souffrent
« Pourquoi est-ce que j'échoue toujours là où je souhaiterais réussir ? »
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« Pourquoi ces douleurs chroniques alors que mon médecin m'assure que je n'ai rien ? »
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« Pourquoi ces angoisses ?»,
« Pourquoi je ne peux plus manger ou l'inverse  ?».

Pour reprendre une expression métaphorique du réalisateur Serge Moati, « on peut décider d'entrer en analyse, tout simplement parce qu'on sent un caillou dans sa chaussure » : Une gêne inexplicable, mais handicapante. Dont on ne parvient pas à se débarrasser seul...

Sinon quand la crise est vraiment trop forte, les personnes vont consulter un psychiatre et bénéficient de traitements médicamenteux ou bien se font hospitaliser.

Certaines personnes, en dehors de toute analyse, s'efforcent de saisir les raisons de leurs difficultés. Mais il est impossible d'avoir accès, en solitaire, à son inconscient ! Connaître ses problèmes ne signifie pas connaître leurs solutions. Bien au contraire. En effet, quand on réfléchit sur soi, seul, ou même avec un ami, on emprunte toujours des chemins identiques de réflexion. Résultat : on tourne en rond. Pour mettre fin à ce ronronnement et laisser émerger le matériel inconscient, la présence de l'analyste est indispensable.

Se transformer est précisément l'enjeu d'une analyse !

On ne fonctionne plus comme avant, il se produit une rupture. Si un certain nombre de fonctionnements demeurent, le rapport aux autres, à la vie. Et se modifie en profondeur. Ainsi, on en tire davantage de bénéfices. Quelqu'un qui ne s'aime pas, et manque de confiance en lui acquerra plus d'assurance. Il ne s'aimera pas forcément plus, mais la question de « s'aimer ou non » aura moins d'importance à ses yeux. Et n'entravera plus ses relations sociales.

En analyse, des moments très pénibles – angoisses, dépressions.

Peuvent survenir effectivement. Ces passages douloureux prouvent qu'une vérité difficile à affronter vient d'émerger et qui nous faisait vivre jusqu'alors – vient d'être abandonnée. Evidemment, ce n'est que temporaire. Après, survient un vrai bien être. Et il en ira ainsi jusqu'au moment où l'on aura vraiment transformé sa position face au désir et au plaisir et à la vie.

C'est un exercice égocentrique, mais qui ne rend pas, à terme, « égocentré ».

On peut avoir l'impression que les individus qui décident d'entrer en analyse sont très centrés sur eux-mêmes mais surtout ils souffrent c'est ce qui amène à consulter.

Pourtant, pour la majorité, ils sont victimes de mécanismes inconscients qui les poussent à se consacrer davantage à la satisfaction des autres qu'à la leur : c'est même la cause principale de leur souffrance. Par conséquent, l'analyse leur permet de s'occuper enfin d'eux-mêmes. il s'agira de sortir de cette phase et de se doter d'un « honnête égoïsme », qui consiste à savoir prendre soin de soi, sans pour autant se désintéresser des autres.

Le psychanalyste reste t-il silencieux ?

Non, Le psychanalyste n'est pas « quelqu'un qui n'ouvre pas la bouche ». S'il parle peu, c'est pour laisser le patient s'exprimer et lui permettre de construire ses propres solutions. Tout son art est de dire les choses importantes au moment adéquat. Ses interventions sont calculées : l'analyste « ouvre la bouche » pour ponctuer, orienter, soulager un patient trop angoissé. Il a conscience que trop en dire peut provoquer chez ce dernier un surcroît d'angoisse

De plus, son rôle n'est pas de se poser en conseiller, en maître, en modèle : ce type de démarche emprisonne. Il veille à ce que son patient reste libre et libre de faire ses choix.

Dans un couple, si l'un commence, c'est le divorce assuré ?

Non, sauf si le patient comprend, dans sa thérapie, que cette relation lui sert avant tout à se faire du mal.

Le plus fréquemment, l'analyse de l'un des partenaires fera progresser la relation. Le couple trouvera des aménagements pour mieux vivre et mettre ses dysfonctionnements en sourdine. Il arrive ainsi que l'on vienne en analyse pour divorcer et que l'on s'aperçoive que l'on en a nulle envie.

Une analyse peut aussi aider à comprendre pourquoi on rate ses relations sentimentales, sans garantir pour autant la réussite d'une prochaine rencontre. Disons qu'elle permet de renoncer à ses attentes et comportements névrotiques pour, éventuellement, se mettre en position de construire une relation viable avec un partenaire.

Mieux vaut une psychothérapie brève que une analyse sur un divan ?

Le psychanalyste est formé pour pouvoir faire les deux.  Le choix se fait dans les premières séances.

Ce n'est pas la même chose : on ne peut pas accomplir un travail identique en quelques semaines, quelques mois, ou plus.  Mais pourquoi l'analyse est plus long ? D'abord parce que les processus psychiques évoluent très lentement et qu'il est impossible de bousculer les patients : en effet, le travail avance en fonction de ce qu'ils peuvent supporter et du temps dont ils ont besoin pour comprendre leur problématique. Une analyse peut s'effectuer par « tranches » successives, le temps de régler un problème ponctuel (affectif, professionnel, etc.) ou de se débarrasser d'un symptôme psychosomatique. Quitte à reprendre plus tard si on désire aller plus loin.